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...avec ou sans sucre ?
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26 septembre 2006

Dans la série des délires du flicaillon de la place Beauvau...

ADN_animation
                        image Wikipedia *

Le fichage génétique...

Cet homme doit être fiché :
Benjamin Deceuninck cultive bio : tomates et olives, dans un coin reculé des Cévennes. Cet ancien éducateur sportif a 27 ans ; son parcours l'a conduit par des études de sociologie. Un mec intéressant, sans doute.

Mais voila, Benjamin est militant. Militant anarchiste, communiste libertaire.
Et il assume ses engagements.  Avec d'autres, il a arraché des cultures expérimentales de betteraves transgéniques, dans le Nord de la France, à Avelin. En 2001... "Dégradation grave du bien d'autrui commis en réunion", selon la justice. Comme les dix autres faucheurs, a été condamné en 2005, par le tribunal correctionnel de Lille. Verdict : un mois de prison avec sursis.

Mais voila que s'ajoute une autre condamnation. Sournoise ! Six ans après les faits, un an après sa condamnation, le jeune militant est sommé, par application de la loi, de donner son ADN.

Le 23 juin 2006, à 10 h 30, il est convoqué à la gendarmerie avec obligation de se soumettre à un prélèvement d'ADN. La procédure est aussi simple qu'indolore (tous les polars télé le montrent) : on procède à un recueil de la salive au moyen d'un bâtonnet dans la bouche.

Mais voila que le jeune homme refuse de s'y soumettre. En voila une idée !?

Les gendarmes le mettent en garde : il n'a pas le droit de s'y soustraire ! Aux termes de la loi, le contrevenant encourt 15 000 euros d'amende assortis d'un an de prison ferme.

La réplique de Benjamin Deceuninck fuse : " J'ai appris dans l'histoire, qu'on avait le droit de refuser, quelles que soient les conséquences..."

Et la machine se met en marche. Elle fait son travail, le plus simplement du monde. Le 25 août, devant le tribunal correctionnel d'Alès (Gard), le procureur a requis 500 euros d'amende à l'encontre du prévenu, motivant sa demande par suite d'un "refus, par personne condamnée pour délit, de se soumettre au prélèvement destiné à l'authentification de son empreinte génétique".
Le jugement est mis en délibéré au 29 septembre.

Et si les juges, usant de la petite marge de manoeuvre que pourrait éventuellement leur laisser la loi, rendaient un jugement empreint d'humanité ?
Ne nous faisons guère d'illusion car,si le verdict faisait preuve d'une relative clémence (même assorti de l'amende), le jeune paysan ne s'en tirerait pas à si bon compte.

En effet : refuser de donner son ADN constitue un "délit continu", ce qui signifie que le procureur de la République pourra engager à nouveau des poursuites tant qu'il refusera le prélèvement !
A n'importe quel moment, on pourra donc retenir et incarcérer Benjamin pour récidive !!!

De fait, qu'a fait Benjamin Deceuninck pour mériter cet acharnement de l'autorité judiciaire ? Il n'a ni  tué, ni violé, ni torturé, ni même volé.

A ce jour, pas moins de cent trente-sept infractions, selon l'article 706-55 du code de procédure pénale, peuvent entraîner le prélèvement obligatoire de l'ADN.

Le législateur n'a cessé d'ajouter des infractions justifiant l'entrée dans le fichier.

Le traumatisme du 11 septembre et la loi hyper sécuritaire de Sarkozy ont gravement accéléré le processus.

Cela s'est fait en plusieurs phases, comme le rapporte le journal Le Monde sous la plume de Marion Van Renterghem (édition du 26/09) :

1. création du F.N.A.E.G. (Fichier national automatisé des empreintes génétiques) sous le gouvernement Jospin (loi Guigou du 17 juin 1998), trois mois après l'arrestation de Guy Georges, tueur en série identifié grâce à son ADN.
Initialement, le fichier n'est destiné qu'aux auteurs d'infractions sexuelles.

2. Le 15 novembre 2001, toujours sous le gouvernement Jospin, la loi dite de "sécurité quotidienne" (loi Vaillant) l'élargit aux atteintes volontaires à la vie de la personne (actes de torture, de barbarie...), aux actes de terrorisme, aux atteintes aux biens accompagnées de violence (destructions, dégradations par explosif ou incendie).
Elle prévoit aussi une sanction pour tout refus de se soumettre au prélèvement : six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende au moins.

3. Un grand pas est franchi avec la loi Sarkozy de "sécurité intérieure" du 18 mars 2003 (gouvernement Raffarin). Les infractions les plus banales sont introduites (vols simples, dégradations, tags, arrachage de cultures OGM...).
La sanction pour refus d'obtempérer au fichage est alourdie.
Surtout, la loi autorise à présent le fichage de personnes non condamnées et donc simplement suspectées - "à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants".
S'il est innocenté, l'intéressé peut demander par la suite le retrait de ses empreintes du Fichier national.
Mais tout repose alors sur le bon vouloir de monsieur le procureur qui peut, ou non, l'accepter. L'arbitraire est total !!!  A partir de là, l'accès au fichier, en principe limité aux magistrats et à la police, demeure possible de vingt-cinq à quarante ans... selon le type d'infraction.

Complétant ce dispositif, la loi Perben II de 2004 oblige tout condamné à plus de dix ans de prison à fournir son ADN. Un refus entraîne immédiatement la perte du droit à une éventuelle réduction de peine.

Il est des magistrats pour s'indigner, non sans humour, de cet arsenal législatif, à l'image de Côme Jacqmin, secrétaire général du Syndicat de la Magistrature. "Bien des infractions manquent encore pour alimenter le fichier", remarque-t-il. "Nombre de délits financiers tels le délit d'initié, la fraude fiscale ou l'abus de bien social n'exigent pas de fichage ADN..."

En attendant, le fichier des empreintes génétiques est alimenté depuis 2002. Il prend rapidement de l'embonpoint, le bougre !
- 2 100 références en 2002
- 40 000 références en 2004
- 283 000 références mi-2006

Parmi celles-ci figurent 107 000 condamnés, pour 163 000 personnes "soupçonnées"... contre 16 726 traces relevées sur des scènes de crimes (mais la quantité ne fait nécessairement pas la qualité).

Des voix s'élèvent dans des sphères proches du ministère de l'Intérieur pour signifier le caractère encore insuffisant du fichier !!! Devons-nous rattraper les "performances" de la Grande-Bretagne, championne du monde avec trois millions de profils enregistrés... 5 % de sa population !

Question de fond : pourquoi étendre le fichage à un si grand nombre d'infractions ?

Pour Frédéric Péchenard, directeur de la P.J., cet outil destiné à éviter les récidives criminelles n'a de sens que si le maximum d'individus s'y trouvent répertoriés. Il est effectivement assez rare que les violeurs ou les tueurs en série ne soient pas "connus des services de police" (selon l'expression consacrée), c'est à dire pour des infractions moindres  : vols, petits incendies, actes de cruauté envers les animaux...

On peut concevoir que le Fichier National des Empreintes Génétiques est indispensable à la police (autant pour les victimes que pour les suspects éventuels qui peuvent, grâce à une trace ADN, être écartés de tout soupçon)...
Indispensable à condition de demeurer, bien évidemment, strictement encadré ! Fichier, comme policiers...

Les risques de dérive existent et ont tendance à être minorés, voir délibérement ignorés !
Le risque d'erreur, tout d'abord : un individu peut y figurer à tort. Plus grave encore : la trace d'ADN d'une scène de crime peut être trompeuse. Un criminel peut porter de l'ADN des personnes dont il a le plus communément serré la main dans la journée.

On aurait trop facilement tendance à l'oublier, y compris sans doute au prétoir (où "l'infaillibilité scientifique" de l'ADN impressionne parfois si fortement les jurés d'assises... prompt à une interprétation qui risque fort d'être outrancière et éronnée)  : tout comme les empreintes digitales, l'ADN n'est qu'un élément d'enquête. En lui même, il ne drevrait jamais s'imposer comme une preuve suffisante...

Relever une empreinte, la conserver au fichier coûte cher : environ 400 euros. L'opération chronophage nécessite la réquisition, par le magistrat ; le prélèvement par le gendarme ou le policier ; l'analyse de la trace (sang, sperme, salive, urine...) par le "labo" et sa "transcription" en empreinte génétique.Ces contraintes ne plaident pas en faveur de répertoriation systématique de toutes les personnes prévues par la loi.

Lors de son procès le 25 août, Benjamin Deceuninck s'est étonné : sur les onze condamnés d'Avelin, pour l'arrachage des betteraves OGM, seules six personnes étaient requises de donner leur ADN. Selon lui, les personnalités les plus "politiques"...

Le procureur de la République à Lille affirme de son côté avoir requis contre tous. A charge pour les tribunaux du lieu de domicile de les mettre en oeuvre. Et l'on note des disparités... Plus ou moins de zèle, car la Justice est humaine mais elle possède aussi, selon les tribunaux, plus ou moins de moyens...

Dès lors, si l'on accepte le principe d'un fichier, chaque citoyen est en droit de s'interroger : qui cibler prioritairement ?
Ne serait-il pas plus sage d'en revenir au cadre de la loi Vaillant ?

D'un tout autre côté, il est à redouter les utilisations détournées que l'on ne manquera pas de faire. Notre ADN contient une masse d'informations qui dit tout de nous et, à ce titre, il  intéresse beaucoup de monde.

Connaître notre ADN c'est nous posséder ! C'est violer notre intimité !

L'employeur, le banquier, l'assureur sont directement intéressés. Et c'est la partie visible de l'iceberg...  Porteur d'une maladie génétique ? D'une maladie dégénérescente ? D'une séropositivité ? On veut tout savoir, pour mieux nous contrôler...

Dans cette ère libérale qui s'impose, comment veiller à ce qu'un policier ou un magistrat (cumulant, par exemple retraite avec emploi privé), ne communique de renseignements vers l'extérieur... Répondant à la pression d'un employeur ? Qui peut prétendre que c'est impossible, même si la loi l'interdit ? Même s'il est théoriquement légalement impossible de connaître par le biais du fichier l'ethnie d'appartenance d'une personne fichée ou ses maladies. Théoriquement...

Cette longue durée de conservation (25 à 40 ans, rappelons-le) fragilise d'autant les garanties... qu'une nouvelle législation peut venir les modifier à tout moment.

Pour Meryem Marzouki, présidente de l'association Iris (protection des libertés dans l'usage d'Internet), c'est bien tout le problème. "Le principe est simple : on profite d'un contexte émotionnel fort (attentat terroriste, meurtres en série) pour creéer un fichier. Une fois l'instrument en place, il suffit d'étendre sa finalité par petites touches."

L'opinion est plus sensible à la victime qu'au citoyen... N'est-il pas, monsieur le ministre de l'Intérieur ?

Les autres garde-fous institutionnels, tels le Conseil d'Etat ou le Conseil Constitutionnel (qui n'a pas émis d'avis négatif sur la création du FNAEG), et la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) seront-ils suffisants ?

Cette dernière ne s'est pas davantage opposée au fichier. Elle a simplement posé des conditions, comme le type d'informations retenues dans l'empreinte ou la durée de conservation... Le problème fondamental est que cette instance a vu considérablement se restreindre les pouvoirs qu'elle détenait de par la loi. Depuis 2004, l'avis de la commission n'est plus QUE consultatif. Il était défavorable au fichage des personnes simplement soupçonnées de délits et n'a pas été entendu.

"Le problème du Fnaeg, s'inquiète Alex Turc (UMP), président de la commission, c'est le saucissonnage : ses compétences sont élargies à chaque vague législative. La CNIL ne peut que proposer des garanties supplémentaires pour maintenir un système plus protecteur des droits des personnes que le système britannique."

"La CNIL donne des avis, le gouvernement s'assoit dessus", résume Me Alain Weber, avocat à la Ligue des Droits de l'Homme. "

Cet outil, aussi pertinent soit-il, doit demeurer au service du citoyen et doit donc rester respectueux des libertés. Nous n'avons pas besoin de fournir à la police d'investigation une mégabase de surveillance des citoyens.

En procédant ainsi, on considère toute personne condamnée comme un suspect virtuel pour des manquements à venir !!!

La méthode est démesurée ; elle porte atteinte aux droits de la personne.

La Ligue des droits de l'homme, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France et de nombreux citoyens s'inquiètent de la menace que fait peser l'extension du fichier sur les libertés publiques.

Figurer dans un fichier n'est pas anodin.

Pour accéder à la fonction publique, travailler dans une société de sécurité ou dans un aéroport, bref, pour tout emploi nécessitant une déclaration à la préfecture peut être un handicap.

La présomption de culpabilité va l'emporter progressivement sur la présomption d'innocence.

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Commentaires
T
celui qui a des choses à se reprocher à forcement des choses à cacher<br /> je suis desolé mais moi je me fiche d'etre fiché car je suis un honnete travailleur<br /> continuez de beler, de toute facon maintenant c'est dans le vent, personne ne vous ecoute et c'est tant mieux si nous ne voulons pas etre livrés pieds et poings liés aux engeances terroristes.
J
Et bien...<br /> En premier, je suis contente de te retrouver ici (j'avais omis de rentrer la page en favoris) et c'est ici que je reviendrai, je vois que tu publies en double!<br /> Ce dernier article est tout aussi interressant que le précédent. Tout autant que les problèmes de censures sur l'information, il met en exergue l'indifférence générale devant la main mise de la société sur l'individu! Qu'importe, ce sont les autres, ils n'avaient qu'à... Est-il facile de répliquer sans prendre en compte le fait qu'on peut TRES facilement se trouver sous le joug! L'article que je vais achever aujourd'hui (pour le boulot)porte sur la prise de risque indispensable au progrès... Cette prise de risque actuellement condamnée de toute part dans la mesure où elle émane de l'individu... Car, le société prend des risques immenses, aux conséquences redoutables (on a déjà donné de multiples manières) et ne s'en repait pas... L'individu est porté au pinacle quand *ça* arrange (en particulier pour faire marcher le commerce) et considéré comme une vulgaire pièce d'un immense puzzle à traiter avec dédain dans d'autres circonstances.... C'est exactement ce que je touche chaque jour au boulot, avec la souffrance engendrée de part et d'autre, pour l'instant, je ne vois pas d'autre issue que la "rebellion" individuelle avec les risques que ça comporte et que j'assume....<br /> Bonne journée
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